Australian cronik'

Publié le 13 Juillet 2014

Australian cronik'

Depuis à peu près toujours, lorsqu’on parle d’immigration et d’intégration j’entends les gens opposer le modèle « communautariste » anglo-saxon au modèle républicain français d’intégration. Et hop du multiculturalisme par-ci et hop de l’assimilation par là.

Et « aux Etats-Unis (- Canada- Australie-) les différentes cultures sont reconnues publiquement et respectées, d’ailleurs il y a beaucoup moins de problèmes qu’ici. »

Et « en France (- et… en France) l’universalisme est l’essentiel et la communauté nationale l’emporte sur les différences culturelles de groupes minoritaires, d’ailleurs il y a beaucoup moins de problèmes que dans les pays anglo-saxons. »

Merci.

Moi j’étais plutôt d’accord avec le truc de la communauté nationale qui l’emporte et tout mais la plupart des personnes issues de « minorités » culturelles ou religieuses de mon entourage semblaient en souffrir et regretter un manque de reconnaissance publique.

Alors du coup j’ai un peu viré communautariste anglo-saxonne. En plus il y a beaucoup moins de problèmes qu’ici.

Oui mais depuis que je suis arrivée en Australie, je dis fuck, ou je dis merde comme vous voulez. C'est bien mignons ces tableaux à double entrée mais non. Il n’y a pas de différences (majeures et significatives) dans les faits, la vie quotidienne. Voilà je pose ça là comme ça. Je vais essayer de développer quand même.

Pour commencer je veux juste rappeler que l’Australie est un pays construit sur un modèle social « multiculturel » (pour ce que ça vous éclaire…) et communautaire. Le coté multiculturel affiché est venu dans le courant des années 1970.

En France, les idéaux républicains et laïcs sont souvent cités pour s’opposer aux revendications identitaires des différentes communautés (et pas seulement des communautés issues de l’immigration, mais celles aussi des communautés régionales). Il n’y a pas « de reconnaissance publique de groupes autres que la communauté des citoyens ». C’est beau j’en ai la larme à l’œil.

Le problème de l’intégration (sans désintégration).

Alors oui il faudrait revenir sur ce que ça veut dire d’être intégré parce que c’est un peu flou… Est ce que la deuxième génération « issue de l’immigration » n’est pas obligatoirement intégrée puisqu’elle est née, a vécu, a parlé le pays « d’accueil » qui n’en est plus un d’ailleurs… (c’est un pays natal par définition).

Oui mais on nous dit que non. En Australie et en France.

Pourquoi ? parce qu’il y a des communautés dans la communauté qui ne partagent pas les mêmes valeurs (culture/ religion/…) que la communauté nationale, mainstream (lire : la majorité). Les différents groupes culturels se regroupent en quartiers, ne parlent pas la langue nationale entre eux et se sépare, soi disant du reste de la population.

Mais c’est ça le communautarisme non ? Non. Ca c’est un mouvement naturel et humain (voir expatriés français au Japon, ou expatriés anglophones à Nice).

Et puis, en Australie on reconnait le droit à la différence des communautés mais faut quand même qu’elles fassent comme tout le monde ! (lire : les Blancs)

De plus on retrouve les mêmes problèmes identitaires chez ces individus de la deuxième et la troisième génération.

Que ce soit en Australie ou en France les mêmes questions sont posées aux « non-Blancs » : « tu viens d’où ? » et les colorés sont toujours ramenés à leurs origines réelles ou fantasmées.

C’est d’autant plus frappant en Australie que l’on dit facilement dans les médias ou dans la rue « Lebanese », « Abo », « Asian », « Italian », le multiculturalisme quoi !

Mais Anglo-Saxon ou « Blanc » bizarrement ça on dit moins, apparemment le terme « Aussie » (=australien) en est un synonyme…

On peut faire le parallèle avec la situation, là bas, dans l’occidentale France où il est difficile d’être considéré comme Français quand on pas la peau (/cheveux/yeux/…) de la bonne couleur, ou que l’on ne s’habille pas de la même manière que Jean-Pierre Pernault ou Christine Boutin.

Xénophobie et émeutes raciales

Le racisme est un des aspects de la société australienne mainstream (comme de la société française). Je ne compte plus les commentaires entendus sur les Aborigènes, paresseux et alcooliques, sur les Arabes/Musulmans qui sont tous des terroristes, les Asiatiques qui envahissent tout le territoire, les boat people qui « only want to take over ».

Il ne faut pas oublier également le racisme institutionnalisé envers les Aborigènes, récemment avec la suspension du « Racial Discrimination Act » qui a permit le gouvernement de passer, en 2007, des lois rassemblées sous la dénomination « the Intervention ». Lois plusieurs fois dénoncée par le rapporteur sur la situation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, James Anaya.

A voir : Utopia de John Pilger

Il faudrait aussi revenir sur la période sombre de la White Australia Policy qui va de 1861 jusqu’aux années 70 et qui visait à favoriser exclusivement une immigration européenne blanche.

Plus récemment, Tony Abbott a été élu Premier Ministre (God help them !) pratiquement sur la simple promesse électorale d’arrêter les les bateaux remplis de clandestins en provenance d’Inde et d’Indonésie. Il a, pour cela, envoyé l’armée qui repousse ces mêmes bateaux vers l’Indonésie (qui est super contente du coup) et sous-traite la détention des immigrés clandestins à des pays dont vous n’avez jamais entendu parler, Nauru notamment, et où il se passe de drôles de choses, mais il n’y a pas grand monde pour relayer les informations vu que le prix du visa pour les journalistes est passé de 200$ à… 8000$ (oui oui 3 zéros)

Mais de toute façon les médias mainstream, on le sait, jouent malheureusement un rôle dans la prolifération des idées xénophobes et racistes, en Australie comme en France. Ils suivent l’agenda des gouvernements et représentent trop souvent les immigrés (et les indigènes) comme « part of the problem » et non pas de la solution.

Funny fact : l’année 2005 à été une année d’émeutes raciales (urbaines si vous voulez) dans les deux pays ! Je n’ai pas besoin de vous rappelez ce qui s’est passé en France. De l’autre coté, c’est Sydney qui a été le théâtre des émeutes en Australie, Cronulla Riots c’est leur nom. On a vu s’affronter des hordes de petits Blancs voulant casser du « Leb » (Libanais) puis des horde de « Lebs » voulant casser du « white pig » dans un cycle assez effréné et effrayant.

A voir: « Once upon a time in a Punchbowl » documentaire de SBS

Multiculturalisme et assimilation

Sur lefigaro.fr : « le multiculturalisme repose sur l’inversion du devoir d’intégration ( ?) ce n’est plus à l’immigrant de prendre le pli de la société d’accueil mais à celle-ci de transformer ses institutions pour les accorder aux exigences de la diversité. »

Il faut donc rassurer ce petit journaliste apparemment bien paniqué : si l’on suit sa définition le multiculturalisme n’existe nulle part.

"Multiculturalisme » est un de ces mots qu’il faut bannir. Vraiment. Tout le monde en a sa propre définition et on en fait dire n’importe quoi.

Ou alors établir un permis à points et si tu l’utilises à tort et à travers, tu le perds. Comme bisounours, bobo, bien pensant, politiquement correct,…

Si on admet que multiculturel veuille dire plusieurs cultures : toutes les nations sont multiculturelles (et heureusement…) même sans mouvement récents d’immigrations. Vous ne trouverez pas d’état qui ne soit multiculturel, à part l’Eurasia dans « 1984 ».

L’Australie reconnait qu’elle est une nation multiculturelle, la France ne le fait pas.

Dès lors on peut émettre l’hypothèse que la France à une volonté affichée d’assimilation des différences pour les « désintégrer » dans la culture nationale. Oui.

Mais l’Australie aussi. Sauf que ça n’est pas une volonté affichée mais cachée.

Tout d’abord l’Australie se proclame ouvertement multiculturelle mais ce terme est bien souvent critiqué, par la droite nationaliste, parti « One Nation » qui rejette ce « concept », mais aussi par certains leaders libéraux qui insistent sur l’importance d’une culture, de valeurs proprement australiennes.

Il faut rappeler le choc des « générations volées », un véritable traumatisme chez les Aborigènes australiens. Le rapport de la Commission des Droits Humains et de l’Egalité des Chances avait conclu qu’entre 1/3 et 1/10 enfants aborigènes avaient été enlevés… Ce rapport avait aussi parlé de génocide... Cette question est toujours d’actualité avec le nombre extrêmement élevé d’enlèvement de bébés et d’enfants aborigènes par les services sociaux d’état.

A voir : « Rabbit Proof Fence » de Philip Noyce

Mais le nerf de la volonté assimilationniste n’est plus tant physique que culturelle. Le commentaire qui revient le plus à propos des Aborigènes ET des populations immigrées est qu’« ils doivent faire comme nous » ou « They don’t want be like us » « ils ne veulent pas être comme nous ». L’impossibilité de la culture aborigène à s’adapter à la culture australienne, la difficulté des immigrés à faire comme les vrais « Aussies », l’incompatibilité de l’Islam avec les valeurs australiennes… oh mais dites ! On la connaît cette chanson là…

Je ne sais pas si j’ai fait le tour mais ça me semble être l’essentiel… Donc au final, on a le même racisme anti-non blanc, la même volonté assimilationniste, la même peur de l’étranger et de sa culture déviante, la même islamophobie, les mêmes tensions « raciales »…

Dans deux pays qui pourtant semblent s’être construits sur un modèle radicalement opposé, les similarités sociales m’ont plus frappée que les différences…

Publié dans #des mots

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O
merci pour cet article melle Ouahmane!
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